« Dans les entrailles de l'Argentu, le temps s'écoulait à l'échelle géologique, notre perception s'en trouvait faussée. Par la cheminée de la première salle, que mon grand-père avait baptisée la "Clairière", le monde extérieur se rappela à nous. Au-dessus de nos têtes, l'orage sévissait avec une force égale. »
Elena Piacentini, **Les Silences d'Ogliano**
Plus d'informations sur le roman : https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/les-silences-dogliano
#Rentreedhiver #RL2022
César garde toujours son secret. Argentina n'a pas cherché à le percer. "Il y a des parties de nos vies qu'il vaut mieux ne pas déballer une fois qu'on les a rangées,Libero, sans quoi on n'en finit plus de vivre dans le passé."
Les hommes sont tous coulés dans le même moule, ce qui les différencie au départ n’est qu’un jeu de hasard, une combinaison d’opportunités plus ou moins heureuses. Mais dans le fond et pour ce qui est des questions de moralité, nous sommes tous logés à la même enseigne…
Non, il n’y a ni petits ni grands destins, j’ai mis du temps à le comprendre. Ce qui importe, c’est le sens qu’on y met et l’attention qu’on accorde à ce qui a de la valeur.
Avec le temps, les choses ne prennent pas que de l’âge, elles prennent du sens.
Sur ces terres où la démonstration de force constituait le meilleur gage de survie, on ne plaisantait pas avec la virilité. Deux hommes qui s’aimaient valaient moins qu’un bouc sans couilles.
"Il y a des parties de nos vies qu'il vaut mieux ne pas déballer une fois qu'on les a rangées, Libero, sans quoi on n'en finit plus de vivre dans le passé - 201
Je fis durer l'instant qui précède le plein éveil, celui où la conscience lambine et rechigne à quitter le lit d'un rêve. - 133
Je n'ai pas fait de grandes choses dans ma vie, mais je n'ai eu à rougir d'aucune de mes actions. J'ai pris soin des miens et je les ai défendus sans léser personne. J'ai rendu service aux gens de bien. Je n'ai demandé aucune faveur à ceux dont je ne voulais pas être redevable. Et je n'ai pas courbé l'échine, Darce que celui qui se penche trop, on lui voit la raie du cul. D'un Solimane, personne n'a jamais vu le cul, ni baron, ni bandit. - 120
C'était étrange de se retrouver à discuter ainsi dans le noir. Étrange et rassurant. Comme lorsqu'on se parle à soi-même pour se donner du courage ou déposer un sentiment trop confus pour le garder à l'intérieur de soi.
Je n'ai pas fait de grandes choses dans ma vie, mais je n'ai eu à rougir d'aucune de mes actions. J'ai pris soin des miens et je les ai défendus sans léser personne. J'ai rendu service aux gens de bien. Je n'ai demandé aucune faveur à ceux dont je ne voulais pas être redevable. Et je n'ai pas courbé l'échine, parce que celui qui se penche trop, on lui voit la raie du cul.
Elle se mit brusquement à trottiner en direction d'un homme.
- Monsieur ! Vous avez oublié quelque chose ! Monsieur !
L'inconnu se retourna, hésitant, soupçonneux. Elle se baissa, ramassa l'emballage qu'il venait de jeter au sol et le lui tendit.
- Vous savez combien d'animaux meurent chaque année à cause des déchets plastique ?
Interdit, le type en âge d'être son fils secoua la tête en acceptant presque malgré lui le bout de cellophane.
- Un million cinq cent mille, continua Colette. Des poissons, des tortues, des baleines, des oiseaux et j'en passe ! Dans les océans, la plus importante zone de concentration des microparticules de nos cochonneries a atteint une taille de 3.5 millions de kilomètres carrés, soit 7 fois la France ! Votre papier, dans deux ans, si ça se trouve, il tuera un gypaète barbu ou il se retrouvera dans votre assiette. Maintenant, vous savez. Chacun de vos gestes a une conséquence. On a été dotés d'un cerveau et d'une conscience pour anticiper la portée de nos actes et en assumer les implications... Et contrairement aux concombres de mer, on a aussi des bras pour ramasser nos saletés !
Qu'il la prît pour une toquée hystérique ou qu'il fût impressionné par son autorité naturelle, l'homme déclara forfait et continu son chemin son ordure à la main.
(p. 178-179)
Des [gamins comme lui], il s'en usinait en masse, sans limitation d'options. Déclinés dans les deux sexes, dans toutes les couleurs de peau et dans toutes les langues de Babel. Si les exemplaires 'bras armés de Dieu' avaient le vent en poupe, ils étaient également proposés en version athée, agnostique, sectaire et dogmatique. Personnalisables à l'infini. Rasés ou barbus. Scarifiés ou tatoués. En treillis, chemise brune et chapeau blanc pointu. Ou livrables sur commande en uniforme officiel avec carte et port d'arme. Ministrables, prévoir un délai d'attente. Egalement disponibles en costume chic et en col claudine. Chaussés de rangers ou de souliers vernis. En Louboutin, en Berlutti et même pieds nus. Des spécimens low cost assemblés à la hâte avec quelques matériaux de misère jusqu'aux modèles de luxe, tous les degrés de finition étaient possibles. Paysan planté sur son tas de fumier ou fumier passé par les fourches caudines des plus grandes écoles, chômeur ou milliardaire, l'éventail était large. [...]
L'industrie de la haine n'avait jamais été aussi florissante. Une course au surarmement soumise aux déséquilibres permanents de la terreur. [...]
(p. 221-222)